Entretien avec Karl Pineau (Designers Ethiques) – Juin 2023

<aside> 📎 Peut-on encore agir librement et en conscience, dans un univers numérique aux règles édictées par le design persuasif, et aux rouages souvent opaques ?

Pourrait-on dans la tech, en s’inspirant de l’ESS, rester libre de choisir à quoi l’on adhère ?

Pour creuser ces questions, on s’est adressé à Karl Pineau, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, et co-fondateur de l’association Designers Ethiques.

On y a découvert de belles initiatives, qui montrent qu’il est possible de redonner du pouvoir d’agir et de l’autonomie aux utilisateurs et utilisatrices du numérique. On y a surtout compris l’importance de faire prendre conscience des enjeux éthiques du numérique aux professionnels de la tech.

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Pourrais-tu te présenter et nous présenter l’association Designers Ethiques ?

Karl Pineau, co-fondateur de Designers Ethiques

Karl Pineau, co-fondateur de Designers Ethiques

Je suis enseignant-chercheur en InfoCom [sciences de l’information et de la communication, ndlr]. En 2016, quand j'étais en master d'InfoCom à l'ENS Lyon, deux camarades de master et moi avons créé l’association Designers Ethiques, qui a aujourd'hui 6 ans. L'objectif de l'association, à la base, c'était d'être une structure de réflexion sur la responsabilité numérique à travers le design. Elle s'est principalement structurée autour de toutes les logiques de persuasion par le design : captologie, dark patterns, design de l'attention…

C'est une structure qui a pas mal évolué puisque aujourd’hui, on est plutôt orientés vers les designers numériques et les professionnels du numérique de manière plus générale. L'objectif de l'association, c'est d'être une plateforme qui permet à ces professionnels du numérique de monter en compétences sur les aspects de responsabilité numérique, de se former et d'avoir accès à des ressources, à des cas d'études, à des exemples de comment bien faire, aussi bien sur les enjeux de persuasion que je citais, que sur la question de l'écoconception, de l'accessibilité, de la privacy [respect de la vie privée]... En couvrant l'ensemble du spectre qui fait la responsabilité d'un service numérique.

Pourquoi ça te paraît important d'offrir cet espace aux professionnels ?

Le constat qu’on a fait, au départ sur la persuasion, c’est qu’il y a énormément de discours grand public sur la question. Il y a des tas de documentaires sur Arte et sur France 5, énormément de littérature grand public sur “le problème des écrans”, pour reprendre justement un terme grand public. Et puis, de l'autre côté, il y a énormément de ressources pour les communautés scientifiques qui travaillent sur ces questions là, notamment dans les domaines de la psycognition [psychologie cognitive] et des interactions humains-machines. Mais il n'y a juste rien qui existe pour ceux qui sont au milieu, c’est-à-dire ceux qui produisent ces interfaces au quotidien, qui les mettent en œuvre, que ce soit les designers ou de manière plus générale les PO (product owner), les PM*(product manager)*, les dev, etc.

Il y a un gros manque de formation aux enjeux de la responsabilité numérique dans le monde des professionnels du numérique.

Selon moi, il y a besoin de former ces personnes à ces sujets-là, notamment parce que, quand on a commencé à travailler, la plupart des designers n’avaient absolument pas conscience des problématiques de persuasion. Il y a encore beaucoup de designers qui n'ont pas du tout conscience des problématiques d'accessibilité. C'est un problème récurrent, même dans notre association. Il y a un gros manque de formation aux enjeux de la responsabilité numérique dans le monde des professionnels du numérique.

Source : Designers Ethiques

Source : Designers Ethiques